Le luxe, souvent perçu comme un signe extérieur de richesse ou de statut, peut jouer un rôle bien plus profond et intime : celui de nourrir l’estime de soi et de renforcer la confiance personnelle. Mais l’effet dépend largement de la motivation qui conduit à ce désir de luxe. Des travaux de recherche, notamment l’étude de Yann Truong et Rod McColl, révèlent qu’il existe une distinction fondamentale entre les achats de luxe motivés par des raisons intrinsèques (plaisir personnel, qualité, confort, sens intérieur) et ceux motivés par des raisons extrinsèques (reconnaissance sociale, démonstration, statut) : les premières motivations génèrent un lien plus fort avec l’estime de soi.
Quand un produit de luxe est choisi principalement pour sa qualité supérieure et le sentiment de plaisir qu’il procure à l’utilisateur lui-même et non seulement pour ce qu’il montre aux autres alors l’acte d’achat devient un moyen de se récompenser, de se valoriser, de se reconnaître : « je mérite ce soin, ce raffinement, cette attention particulière ». Truong & McColl montrent que les consommateurs dont les motivations sont davantage intrinsèques présentent une association plus forte entre l’estime de soi et le “plaisir dirigé vers soi-même” (self-directed pleasure).
En d’autres termes, posséder un objet de luxe n’est pas seulement une démonstration vers l’extérieur ; c’est aussi un message que l’on s’adresse à soi-même : « je suis digne de ceci, je choisis le meilleur pour moi, je me valorise, je mérite une certaine qualité ». Ce message intérieur peut renforcer la confiance non pas parce qu’il impressionne les autres, mais parce qu’il confirme ce que la personne croit être ou pouvoir être.
Cependant, lorsque l’achat de luxe est motivé surtout par le désir d’être vu, reconnu ou admiré, ou par la volonté de surpasser les autres par le statut, les résultats peuvent devenir plus ambivalents. L’usage du luxe dans ce cas peut engendrer des comparaisons sociales excessives, des frustrations, voire un sentiment d’insuffisance si l’effet recherché n’est pas pleinement atteint. Des recherches montrent que ce phénomène est renforcé dans certains contextes culturels ou générationnels, où le niveau d’estime de soi influe de façon significative les décisions d’achat de luxe tant pour la satisfaction personnelle que pour la reconnaissance sociale.
Des études plus récentes confirment également un glissement des motivations vers le soi-même dans plusieurs marchés émergents : les consommateurs de luxe sont de plus en plus animés par le désir de croissance personnelle, d’expérience significative, de sens plus que par la simple démonstration de richesse.
Cette perspective a des implications claires pour les marques de luxe qui veulent non seulement séduire, mais aussi transformer. Il ne suffit plus de proposer un bel objet : il faut raconter une histoire, offrir une expérience, faire ressentir que l’objet a été conçu pour la personne qu’il reconnaît sa valeur, qu’il célèbre ce qu’elle est ou ce qu’elle aspire à devenir. Le produit devient alors un outil psychologique autant qu’un objet matériel.
En conclusion, l’impact du luxe sur l’estime et la confiance est réel, mais modéré par la motivation, l’authenticité, la conscience de soi et la manière dont le produit est intégré à l’identité personnelle. Le luxe bien pensé peut devenir un levier d’empowerment profond à condition qu’il reste aligné avec ce que l’on est (ou ce que l’on aspire à être), plutôt qu’un simple étalage social.
Références
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Truong, Y., & McColl, R. (2011). Intrinsic motivations, self-esteem and luxury goods consumption. Journal of Retailing & Consumer Services, 18(6), 555-561. doi:10.1016/j.jretconser.2011.08.004 ScienceDirect
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“Intrinsic motivation of luxury consumers in an emerging market”, Journal of Retailing & Consumer Services. (2021). doi:10.1016/j.jretconser.2021.100578 ScienceDirect
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Griskevicius, V., John, D. R., & Wang, J. (2021). Does the devil wear Prada? Luxury product experiences can affect prosocial behavior. International Journal of Research in Marketing. (Résumé et impacts dans l’article de la Carlson School). Carlson School of Management+1
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Wilcox, K., & al. The Influence of Luxury Consumption on Socially Valued Behavior. (Columbia Business School). Columbia Business School